Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le Monde et moi
20 novembre 2016

"Tu sauras que tout cela n'est qu'un voile parfumé cachant l'éternelle douleur de la nuit"

   ...disait Mathias Enard. Les batailles, les rois et les éléphants dont il parle ne sont qu'un vaste mensonge couvrant fragilement le désespoir et la peur qui hantent nos vies. Nous évoluons à travers le cocon amer du mensonge qui nous préserve de notre propre existence.

   Car c'est drôle comme on est démunis. On est seuls, absolument seuls, et tout nus, avec juste un cerveau timide tâchant d'analyser ce qui se passe autour de nous. La vie est une vague, un tsunami charriant un bric-à-brac titanesque, hétéroclite, hideux fait d'un assemblage grossier de rouages comme la mort, la vacuité, l'amour, le dédain, la violence, le dégoût et les radiations nucléaires. Pauvre fétu de paille, tu te prends cette écume bouillonnante de plein fouet dès la première seconde de ton existence. Bienvenue au paradis ! On crie alors à s'en déchirer les poumons, encore pleins d'innocence et de candeur, mais putain vivre ça craint, alors on pleure et on hurle devant les bégaiements d'extase de la famille, les flashs des appareils photos et sous le regard mort d'une présentatrice télé (dans le coin de la pièce) débitant des horreurs ainsi que l'on annoncerait la météo.

   Dès ta plus tendre enfance, tes parents s'emploieront à déployer autour de toi ce voile parfumé que tu traîneras toute ta vie. Pauvre carcasse aveugle, le calvaire ne fait que commencer et ta bulle, filtre inutile, s'emplira bientôt d'odeurs nauséabondes. Tu ne contrôles plus rien, tu en sais encore moins. Tu verras, la vie est pleine de surprises ! Englués dans les chaînes de la condition humaine, tu n'as plus qu'à te laisser faire...

   Le sentier décoloré qui se déroule sous tes pas te verras t'empêtrer dans la toile de la jalousie et de la rancune. Laisse-les te dévorer le cœur. Prends toi dans la gueule ses si jolis yeux et la désillusion tenace qui ira avec, tombe dans le gouffre de la routine et de la méfiance qui tisseront une barrière hermétique autour de ton esprit, ne laissant plus entrer que les savoirs que tu as déjà et qui t'arrangent. La vie grignote une partie de toi chaque jour, alors ressers-toi une autre tasse de ce café si noir que tu pourrais t'y noyer, tu as encore besoin d'avancer. 

   Un jour, tu réaliseras que cela fait longtemps que tu n'as rien appris, que tu n'as pas rencontré de nouvelles personnes, que tu n'as pas vécu quelque chose de nouveau. Ta vie s'est recouverte d'une pellicule de poussière et la mort frotte ses pieds sur le paillasson, c'est bien tu lui as déjà ouvert la porte. Tu n'as plus aucun rêve, que des regrets.

La mort s'engouffre chez toi et déchire ce voile que la vie t'as offert. Dehors il fait nuit. Tu sais enfin.

"Les hommes meurent et ils ne sont pas heureux."

Publicité
Publicité
Commentaires
Le Monde et moi
Publicité
Archives
Publicité